« We need a law »

Slogan des groupes anti-choix appelant à une législation restrictive sur l’avortement.

Par Maxime Gravel

Pour illustrer pourquoi la législation de l’avortement est problématique, rien de mieux que de s’appuyer sur un exemple réel, récent et aux conséquences dramatiques. L’arrêt Roe v. Wade, rendu en 1973, avait été fondé sur de bonnes intentions : protéger le droit des femmes à l’avortement en l’inscrivant dans le cadre constitutionnel. L’idée était de garantir ce droit contre les fluctuations politiques. Cependant, parce que Roe v. Wade reposait sur une interprétation constitutionnelle, il était aussi dépendant de la composition de la Cour suprême, laquelle évolue au fil du temps. Ce qui a été inscrit dans la Constitution peut donc, par la même logique, être réinterprété ou renversé. C’est exactement ce qui s’est produit en 2022, avec l’arrêt Dobbs v. Jackson Women’s Health Organization, qui a annulé Roe v. Wade. Du jour au lendemain, le droit fédéral à l’avortement a disparu. Chaque État s’est alors retrouvé libre d’imposer sa propre législation, parfois extrêmement restrictives, voire criminelles. 

Ce désastre démontre que l’inscription d’un droit dans un texte fondamental, même animée des meilleures intentions, ne garantit nullement sa protection à long terme. Même lorsque l’objectif affiché est de préserver durablement l’accès à l’avortement, un simple changement de majorité judiciaire peut suffire à transformer cette assise juridique en un instrument produisant l’effet inverse : restreindre, voire abolir, le droit que l’on cherchait précisément à protéger. Autrement dit, constitutionnaliser un droit ne le rend pas intangible. Au contraire, cette stratégie peut parfois l’exposer à des revirements abrupts et lourds de conséquences. L’exemple américain en est une illustration frappante : un cadre juridique initialement conçu pour garantir l’accès à l’avortement a fini, plusieurs décennies plus tard, par servir de levier pour en faciliter la criminalisation.

L’avortement doit être reconnu et traité comme un soin de santé à part entière, c’est-à-dire garanti par des politiques de santé publique claires et durables, et non par son inscription dans la Constitution. Le projet de loi no 1, porté par le ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette, fait peser un danger réel sur ce droit au Québec plutôt que de le protéger.

Pétition en cours : 

Une pétition portée par la porte-parole de Québec solidaire Ruba Ghazal demande actuellement le retrait de l’article 29 sur l’avortement du projet de loi constitutionnelle. Elle sera déposée à l’Assemblée nationale d’ici février 2026.

Références 

Action Canada et Association Femmes et Droit (ANFD). (2022). Why we don’t need a new abortion law in canada. https://www.actioncanadashr.org/news/2022-06-24-why-we-dont-need-new-abortion-law-canada 

Assemblée nationale du Québec. (2025). Projet de loi nº1 (43-2) : Loi constitutionnelle de 2025 sur le Québec. https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-1-43-2.html 

Barreau du Québec (2023, 21 juin). Le barreau met en garde la ministre Biron au sujet de l’avortement. Le Devoir. https://www.ledevoir.com/politique/793356/le-barreau-met-en-garde-la-ministre-biron-au-sujet-de-l-avortement 

Gravel, A.S. (2025, 5 décembre) La CAQ menace (encore) le droit à l’avortement. Pivot. https://pivot.quebec/2025/12/05/la-caq-menace-encore-le-droit-a-lavortement/ 

Greenhouse, Linda, & Siegel, R. B. (2011). Before (and after) roe v. wade: new questions about backlash. Yale Law Journal, 120(8), 2028-2087. https://heinonline.org/HOL/Page?collection=journals&handle=hein.journals/ylr120&id=2039&men_tab=srchresults 

Pronovost, V. (2013). La droite chrétienne américaine : une analyse féministe foucaldienne des cas du pasteur Mark Gungor et du mouvement des centres d'aide à la grossesse. Université du Québec à Montréal. https://archipel.uqam.ca/5690/1/M12948.pdf 

Sioui, M.M. (2025, 3 décembre). Inscrire l’avortement dans la Constitution offre au antichoix une nouvelle « cible à abattre ». https://www.ledevoir.com/actualites/societe/938538/inscrire-avortement-constitution-offre-antichoix-nouvelle-cible-abattre 

Tremblay, K. (2025, 5 décembre). Cher ministre Jolin-Barrette, j’aimerais que tu m’expliques. La Tribune. https://www.latribune.ca/chroniques/karine-tremblay/2025/12/05/cher-ministre-jolin-barrette-