Quand une ville met son gardien au pied du mur : le cas de Samuel Montembeault

Par Christopher Dubuc

Quatrième 

Cela correspond à la position actuelle du Canadien de Montréal au classement général de la Ligue nationale, avant son match du 8 novembre. Étonnant, n’est-ce pas ? Je suis convaincu que personne dans le monde du hockey n’aurait misé sur un tel scénario, surtout après 14 matchs de saison régulière, moi y compris.  

En revanche, il faut se le dire, le Tricolore nous offre du très bon hockey depuis le début de la saison. Sur le plan individuel, plusieurs joueurs ont le vent dans les voiles. Cole Caufield, entre autres, possède déjà 10 buts à son compteur et le capitaine, Nick Suzuki, est troisième dans la ligue pour les mentions d’aide, avec 16 passes. Encore mieux, Ivan Demidov trône au sommet des pointeurs recrues avec 12 points, dont huit passes.  

Bref, les gars s’amusent et ça se ressent sur la glace. 

Sauf peut-être un joueur : Samuel Montembeault. 

Un dilemme devant le filet

Depuis la saison 2023-2024, Samuel est le gardien numéro un de l’équipe. N’ayant pas toujours les statistiques les plus éclatantes, le Québécois nous a tout de même habitués à un jeu fiable depuis qu’il a hérité de ce poste.  

L’an dernier, il s’est d’ailleurs démarqué en allant chercher 31 victoires en 62 matchs, permettant ainsi à son équipe d’accéder à la grande valse du printemps. 

On s’attendait sans doute à ce qu’il continue sur sa lancée pour débuter la campagne actuelle, mais ce n’est pas ce qu’on voit.  

En sept départs depuis l’amorce de la saison 2025-2026, Montembeault n’a signé que trois victoires, en plus de présenter un taux d’efficacité de .855 et une moyenne de buts alloués de 3.67. Sans surprise, ces statistiques le classent parmi les pires gardiens du circuit, ce qui contraste fortement lorsqu’on les compare avec celles de son homologue, Jakub Dobes.  

Pour sa part, le gardien recrue du Canadien figure parmi les meilleurs de la ligue, lui qui affiche un pourcentage d’arrêts de .920 et une moyenne de 2.25 buts alloués par match. Par ailleurs, le cerbère a une fiche de six victoires et une seule défaite, ce qui n’est pas piqué des vers. 

Clairement, c’est le jour et la nuit entre les deux gardiens, et la question « Montembeault ou Dobes ? » brûle aux lèvres des Montréalais depuis quelques semaines.  

Cependant, la question a semblé prendre une ampleur plus sérieuse lors du match contre les Flyers de Philadelphie, qui ont été accueillis au Centre Bell le 4 novembre dernier.  

 

Montembeault hué devant ses partisans 

Ce soir-là, c’est Samuel Montembeault qui gardait la cage du Canadien. 

À peine huit minutes après le début de la rencontre, le tableau indicateur affichait un pointage de 3-0 en faveur des visiteurs. Le Québécois venait de céder trois fois sur les six premiers tirs, et dès cet instant, la patience des fans dans l’amphithéâtre semblait avoir atteint sa limite. 

Cris, huées et applaudissements moqueurs étaient réservés au gardien du CH après chaque arrêt réalisé.  

Assis devant mon téléviseur, je ne pouvais m’empêcher d’être inconfortable devant ce que je voyais et entendais.  

Montréal était-il réellement en train de dénigrer et de ridiculiser un joueur de sa propre équipe ?  

Car oui, lorsqu’on est partisan du Canadien de Montréal, on fait partie de l’équipe. On se doit d’être présent, beau temps ou mauvais temps, et on se doit avant tout de respecter les joueurs qui portent le chandail de nos Glorieux. 

Pourtant, l’attitude que le public montréalais a réservée à Samuel Montembeault le soir du 4 novembre a été tout simplement inadmissible.  

 

Un marché exigeant 

Qu’on soit un joueur ou un partisan, on le sait : Montréal est une ville de hockey avant tout. C’est l’un des plus gros marchés dans la ligue, voire le plus gros, et cela signifie qu’il faut composer avec une variable importante lorsqu’on joue ici : la pression.  

À Montréal, les partisans sont passionnés et ont systématiquement de grandes attentes envers leur équipe. Lorsqu’un joueur performe bien, ils n’ont que de bons mots. Cependant, lorsque ses attentes ne sont pas remplies, c’est à ce moment que l’envers de la médaille se manifeste, parfois de manière brutale. 

Malheureusement, c’est ce que Montembeault a dû subir.  

 

Une dimension culturelle ? 

En voyant cette situation, je ne pouvais m’empêcher de penser à Jonathan Drouin, qui, tout comme Montembeault, a été durement critiqué lorsqu’il jouait à Montréal. Dans le cas de Drouin, les conséquences ont été encore plus graves, puisqu’il a même dû s’absenter de l’équipe pour faire une pause du hockey lors de la campagne 2021-2022. 

On peut aussi penser à Patrice Brisebois, joueur professionnel de 1991 à 2009, qui a subi un traitement similaire pendant ses 16 saisons jouées à Montréal. 

Qu’ont en commun ces trois joueurs ? Eh bien, ils sont tous des Québécois francophones.  

Il s’agit fort probablement d’une corrélation illusoire, mais existe-t-il un monde où les joueurs d’ici ont davantage de pression que ceux qui viennent d’ailleurs ?  

Après tout, lorsque les joueurs enfilent l’emblématique bleu-blanc-rouge, ils font bien plus que jouer pour un simple club... Ils représentent une nation au grand complet, la nation québécoise, qui aimerait sans doute voir son équipe menée par l’un des siens. 

Bibliographie

https://www.journaldemontreal.com/2021/09/20/jonathan-drouin-se-confie-1  

https://www.journaldemontreal.com/2021/09/22/sante-mentale-seul-contre-la-terre-entiere