相撲…そして論争 « Sumō… et controverse »

Par Émilie Soum-Cimino 

« はっけよい !! » 

Cria le gyoji (l’arbitre) pour annoncer le début du match après que les rikishi (combattants) aient touché le sol de leurs poings, signal du commencement de la courte mais féroce lutte. Sumō, la lutte traditionnelle japonaise, est un sport pratiqué depuis plusieurs siècles et se démarque autant par les nombreux rituels et cérémonies qui accompagnent les matchs, que par les lutteurs de gros gabarit vêtus de leur traditionnel mawashi (pagne très épais porté à la taille… qui ne les couvre pas beaucoup!).  

Dans l’ancien temps, les matchs de sumō faisaient partie d’un des nombreux rituels qui servaient à divertir les divinités Shinto et prier pour une bonne récolte. C’est durant l’époque d’Edo (1603-1868) que l’apparition du dohyō (cercle fait d’argile et de sable qui sert de ring aux lutteurs) surélevé transforma petit à petit la lutte sumō en sport grand public. 

Ce n’est qu’après la Deuxième Guerre mondiale que les tournois de sumō furent répartis de manière égale à travers le pays. De nos jours, le Japon compte annuellement six grands tournois, 本場所 - honbasho, dont le Grand Tournoi de Sumō de Kyushu qui a lieu dans la ville de Fukuoka tous les mois de novembre! 

(Kyodo, 2025.)

Match de sumō au Fukuoka Kokusai Center le 21 novembre 2025.

De la cérémonie d’entrée de ring kanreki dohyō-iri, au lancé de sel pour purifier le dohyō, jusqu’au shiko où les lutteurs font trembler le sol (et probablement quelques spectateurs par la même occasion) pour faire fuir les mauvais esprits, les matchs de sumō restent fidèles à leurs rituels traditionnels tout en laissant place à ce sport pour se moderniser. La lutte japonaise connaît depuis quelques années déjà, un certain renouveau caractérisé par un changement important amené part la 日本相撲協会 - Nihon Sumō Kyōkai (ligue de sumō professionnelle du Japon) concernant la place des lutteurs étrangers au sein des écuries. 

Bien qu’il n’y ait aucunes restrictions globales, il y a un maximum au nombre d’un lutteur professionnel étranger par heya, les écuries de sumō. Cependant une fois à la retraite, si les rikishi étrangers souhaitent devenir maître d’écurie et entraîneur, ils sont dans l’obligation de renoncer à leur nationalité d’origine et devenir citoyen japonais ; le gouvernement du Japon ne reconnaît pas la double nationalité, et la Nihon Sumō Kyōkai oblige que tous ses entraîneurs soient de nationalité japonaise (une règle très controversé qui fait débat dans ce milieu depuis bien longtemps!). 

(Tokyo Snack Box, 2025.)

Fait intéressant : Les rumeurs disent que durant un honbasho, environ 45 kilogrammes de sel sont utilisés en une journée, ce qui représente plus d’environ 650 kilogrammes pour toute la durée du tournoi!

Avez-vous déjà entendu parler de Danylo Yavhusishyn, plus connu sous le nom de 安青錦 新 大 - Aonishiki Arata ? Après être arrivé au Japon en 2022 en tant que réfugié de la guerre en Ukraine, le jeune homme de 21 rejoint très vite les rangs de la plus haute division professionnelle de sumō (la division 幕内 - Makuuchi) après avoir grimpé les différents échelons en un temps record. Aujourd’hui classé au rang de 関脇 - sekiwake (le 3e rang de la plus haute division, Makuuchi… vous me suivez ?), Danylo (ou Aonishiki) parle le japonais couramment et ne cesse d’impressionner son public, qui l’encourage depuis le monde entier.

(MMC magazine)

Tableau d’affichage japonais et explication imagée des différents rangs et divisions de sumō professionnel.

C’est le tout premier Ukrainien de l'histoire du sport à remporter un tournoi de sumō de niveau élite. Oui oui! Aonishiki vient tout juste de remporter le honbasho de Fukuoka, tournoi qui vient de se terminer pas plus tard que le 23 novembre dernier. C’est lors d’une impressionnante finale très serrée contre le grand champion 豊昇龍智勝 - Hōshōryū Tomokatsu (que l’on pensait indétrônable), que l’ukrainien marque sa victoire avec un okurinage, un mouvement permettant de faire projeter en arrière son adversaire. Dans quelques jours, la Nihon Sumō Kyōkai fera monter Danylo au rang de champion, 大関 - ozeki, 2e plus haut rang de la Makuuchi. C’est un pas de plus vers le rêve du jeune rikishi : atteindre un jour le titre de grand champion, le rang de 横綱 - Yokozuna, le plus haut niveau de la division Makuuchi… et le rang le plus élevé de sumō tout entier!

Pour regarder un petit moment de la finale Aonishiki vs Hōshōryū, je vous recommande cette courte vidéo! : 大相撲 横綱 豊昇龍-安青錦 優勝決定戦<令和7年九州場所・千秋楽>SUMO

The Japan Times, 2025)

Danylo Yavhusishyn lors de la remise de son trophée.

Derrière les exploits des lutteurs professionnels de sumō, un autre aspect fait débat depuis plusieurs décennies : la place des femmes. 

N’étant pas autorisées à monter dans le ring d’argile, elles n’ont le droit que de pratiquer ce sport dans les ligues de sumō féminine de niveau amateur : jusqu’à ce jour, les lutteuses de sumō ne sont pas les bienvenues dans la ligue professionnelle Nihon Sumō Kyōkai. En raison de ses origines religieuses, le dohyō reste encore aujourd’hui considéré comme un objet sacré, où l’espace à l’intérieur de ce dernier se veut pur, et tout ce qui se trouve à l’extérieur, impure. Vous me voyez venir ? 

Alors que les hommes rikishi seraient anciennement directement reliés aux divinités Shinto, les femmes ont longtemps été considérées comme impures, dites « 穢れ - kegare », un terme japonais désignant la contamination spirituelle ou l'impureté. La raison ? Le sang des menstruations et de l’accouchement. Voilà pourquoi ces dernières ont longtemps été bloquées (et le sont encore aujourd’hui, quoique bien plus rare) de certains lieux religieux sacrés, le dohyō de lutte y compris

Aujourd’hui, même si l’on reconnaît le cercle d’argile comme symbole national plutôt que religieux, son héritage pèse encore sur la pratique : la ligue de sumō professionnelle du Japon reste très ferme sur son interdiction des femmes à prendre place sur le ring. En plus des lutteuses, plusieurs politiciennes japonaises se sont vues refuser le droit de prononcer leurs discours au centre du cercle lors des tournois. Comme quoi, nous sommes encore loin d’une égalité des sexes dans le monde du sumō… la tradition fait débat! 

Selon la Nihon Sumō Kyōkai, la règle serait stricte et s’appliquerait à toutes… même aux équipes paramédicales féminines.

(Kyodo, 2018)

La mairesse de Takarazuka, Tomoko Nakagawa, est forcée à parler à l’extérieur du dohyō.

En 2018, une équipe d’infirmières composée de femme fut ordonnée (avec colère) de sortir du dohyō après s’être précipité pour porter secours au maire de la ville de Maizuru, tombé sans connaissance lors de son discours qu’il prononçait à l’occasion d’un match de sumō à Kyoto. Après l’incident, il a été rapporté que des spectateurs auraient lancé du sel pour purifier le ring juste après le départ des femmes, laissant sous-entendre que ces dernières l’auraient sali ou souillé au passage. 

Les secouristes reçurent un peu plus tard des excuses publiques et officielles de la part du maire et de la Nihon Sumō Kyōkai, mais la polémique avait déjà voyagé jusqu'à d’autres continents. 

Tant que le dohyō restera inaccessible à la moitié de la population, on peut se demander jusqu’où et pendant combien de temps un sport national pourra-t-il défendre cette palissade, qui aujourd’hui, n’a plus sa place dans la société dans laquelle nous vivons. 

(Yoshikazu Tsuno, 2010)

Miki Satoyama, lutteuse amatrice, lors d’un match du championnat de sumō féminin du Japon en 2010.

Bibliographie

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McCurry, J. (2025). The Ukrainian refugee fighting to become the first European sumo grand champion. The Guardian. https://www.theguardian.com/world/2025/mar/08/the-ukrainian-refugee-fighting-to-become-the-first-european-sumo-grand-champion

Mezzofiore, G. et Ogura, J. (2018). An official collapsed in a sumo ring. Female medics were asked to stop treating him because women aren’t allowed in sumo rings. CNNWorld. https://www.cnn.com/2018/04/05/asia/japan-sumo-women-ring-emergency-intl-trnd 

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Yoshikazu Tsuno. (2010). Female sumo wrestler Miki Satoyama gazes at her opponent during the heavyweight class of the Japan women's sumo championships in Sakai city, southern Osaka on October 3, 2010. [photographie]. YOSHIKAZU TSUNO/AFP via Getty Images. https://www.nbcnews.com/id/wbna39735401 

Ziminski, A. (2025). Fukuoka November Grand Sumo Tournament 2025. Japan Cheapo. https://japancheapo.com/events/november-grand-sumo-tournament/