Êtes-vous droitier ou gaucher?

Êtes-vous droitier ou gaucher ? 

Sans vouloir juger ou quoi que ce soit, je suis curieuse, c’est tout.

C’est juste qu’avant, être gaucher, c’était mal vu. Il fallait apprendre à se conformer aux normes des droitiers et ce n’était pas toujours facile de changer une habitude. Il y avait beaucoup de manipulation et de violence. Finalement, les gauchers devenaient des droitiers par nécessité pour bien fonctionner dans ce monde normatif. C’est sûr qu’aujourd’hui, tout le monde est libre d’être soi-même. Droitier ou gaucher, on s’en fout. Ce n’est pas très important. On n’y pense plus vraiment. Je veux dire, c’est acquis, n’est-ce pas ? Alors imaginez si on commençait à remettre en question l’intégrité des gauchers. C’est comme remettre en question l’intégrité des féministes, des anti-racistes, des anti-fascistes. Il me semble que ça n’a plus sa place. 

À en croire les médias à l’heure actuelle, il y a un gros combat entre la gauche et la droite. Moi je proposerais qu’on se tende la main et qu’on s’écoute, mais curieusement, on dirait que c’est irréaliste. C’est mieux de se diviser, d’être les uns contre les autres et de se haïr, il faut croire. C’est pourquoi j’ai envie de parler d’un livre que j’ai lu récemment : Résister, de la journaliste française Salomé Saqué. C’est un livre publié cette année et qui a rapidement gagné en popularité. Après l’avoir terminé, je me dis que c’est tant mieux. Il mérite d’être lu et relu avec attention. Bref, à la page 89, elle écrit : « Refuser les discours formatés, s’informer via des sources diverses sur la structure des médias, cultiver son esprit critique, c’est faire acte de résistance. » Ce passage résume une idée essentielle : s’informer est un geste politique. Résister, c’est ne pas céder à la facilité des contenus rapides et polarisants, mais prendre le temps de confronter les points de vue, de lire, d’écouter et de douter. 

Dans son livre, elle dénonce aussi la banalisation des idéologies d’extrême droite.  David Morin, titulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent de l’Université de Sherbrooke, affirme dans un article de La Presse : 

« Des discours considérés comme marginaux et tabous il y a 10 ans, sont aujourd’hui assez courants dans l’espace public. Il y a clairement eu un changement de paradigme : l’extrême droite a réussi à dédiaboliser et à normaliser une partie de son discours ». 

Dans son livre, Salomé Saqué définit l’extrême droite comme suit : « L’extrême droite repose sur un nationalisme exacerbé, associé à une tendance autoritaire qui défie les principes démocratiques. Elle utilise une rhétorique populiste, souvent teintée de théories du complot, pour opposer « le peuple » aux « élites » tout en rejetant l’immigration et la diversité culturelle. Cette mouvance prône également un retour aux valeurs traditionnelles. » (p.13) 

Cette fameuse dédiabolisation de l’idéologie de l’extrême droite est entreprise de façon assez étrange, mais semble être efficace. À l’inverse, on cherche à diaboliser la gauche, tout simplement. Remarquez ici, je ne parle pas de l’extrême gauche. Détail important. Francis Dupuis-Déri, professeur en science politique à l’UQAM, écrit dans son livre Panique à l’Université : « Les paniques morales carburent à l’exagération, à l’hyperbole et à l’outrance pour mieux fabriquer une menace diabolique. L’agitation politique n’en est que plus efficace » (p. 119).  Dans le cas présent, on alimente une panique morale autour de la gauche pour la présenter comme une menace, tandis que l’extrême droite est peu à peu normalisée. C’est exactement ce que dénonce Salomé Saqué. Selon elle, les médias participent à cette inversion des perceptions en légitimant les propos d’extrême droite sous couvert de liberté d’expression, tout en discréditant les voix progressistes. 

Face à cette hystérie organisée, la journaliste française propose une autre voie. Celle de l’indignation. « L’indignation, c’est ce qui nous empêche d’accepter l’inacceptable. C’est ce feu intérieur qui anime notre esprit critique, celui qui nous pousse à questionner, à contredire et à penser. Résister, c’est donc ne pas se taire devant la haine, ni devant la fatigue collective. » (p.74). En fin de compte, c’est tout le propos de Résister, raviver notre esprit critique dans un climat où l’apathie et la peur menacent de l’étouffer.

Il faut croire que les gauchers se sont indignés. À force de se faire taper sur les doigts, ils en ont eu assez. Ils ont fini par renverser la pensée dominante. Au lieu de rejeter la différence, on a appris à l’accueillir. Main droite ou main gauche, les deux sont devenues de « bonnes »  mains. Les mentalités ont évolué avec le temps et nous aurions grandement besoin de nous inspirer de cette analogie à l’heure actuelle. Je dis ça comme ça !


Maxime Gravel

Bibliographie

Brousseau-Pouliot, V. (16 octobre 2025). L’extrême droite gagne du terrain. On fait quoi? La Presse.

https://www.lapresse.ca/dialogue/chroniques/2025-10-16/l-extreme-droite-gagne-du-terrain-on-fait-quoi.php

Dupuis-Déri, F. (2022). Panique à l’Université: Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires. Lux éditeur. 328 pages.

Saqué, S. (2025). Résister. Payot, Paris, 144 pages.