La production viticole : à l’aube de grands changements

L’industrie de la production viticole est un milieu qui est constamment en mouvement. Les moments d’incertitudes font partie du quotidien et les vignerons et vigneronnes doivent souvent faire face à des défis de taille. Ils doivent notamment composer avec le climat et les intempéries tout au long de l’année et, depuis peu, ils doivent également adapter leur production aux préférences changeantes des consommateurs. Selon les projections de l’Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV), l’impact des changements climatiques sur la production du vin sera un enjeu important dans les prochaines années pour les vignobles de partout dans le monde (Hours, 2024). Les effets se font déjà ressentir avec une production mondiale qui se trouve à son plus bas depuis 1961 (Hours, 2024).

Il est alors impératif pour le domaine de comprendre les phénomènes en cause afin de trouver les solutions appropriées pour la survie de cette pratique. 

Qu’est-ce qui menace les vignobles exactement ? 

Le raisin est un fruit très sensible au climat. Il a besoin d’un environnement juste assez chaud et sec pour limiter les risques de maladies et atteindre son plein potentiel (INRAE, 2021). Les résultats d’une étude publiés dans le Nature Reviews Earth and Environment démontre que le réchauffement climatique accélère le développement de la vigne et le processus de maturation du raisin, le rendant ainsi moins acide (INRAE, 2024). Cette modification de la structure chimique du raisin en raison de la chaleur impacte la qualité du vin et modifie son profil aromatique. L'augmentation de la température planétaire contribue également à l’émergence de nouveaux ravageurs, de nouvelles maladies et d’événements extrêmes, comme des pluies torrentielles, des incendies et de l’érosion accrue, ce qui menace les plantations (INRAE, 2024). Considérant ces nouveaux paramètres climatiques, les études projettent qu’ « environ 90 % des régions viticoles côtières et de basse altitude du sud de l’Europe et de la Californie risquent de perdre leur aptitude à produire du vin de qualité à des rendements économiquement soutenables d’ici la fin du siècle si le réchauffement global dépasse +2 °C » (INRAE, 2024). On parle donc des régions traditionnelles du vin, comme l’Espagne, l’Italie et la Grèce. Les vignobles du sud de la France sont les plus touchés et connaissent un déclin important de leur production annuelle, notamment en raison du stress hydrique et des maladies qui attaquent les vignes (Hours, 2024). 


Adaptation comme vision stratégique 

Loin de perdre espoir face à ces nouveaux enjeux, les scientifiques et acteurs de l’industrie se démènent depuis 10 ans pour trouver un moyen de s’adapter face aux changements environnementaux présents et futurs. Le projet Laccave, qui a pris fin en 2021, se penchait notamment sur les leviers d’actions possibles afin d’adapter la filière vigne et vin aux changements climatiques (INRAE, 2021). Parmi les stratégies proposées et déjà mises en place par plusieurs agriculteurs, on peut nommer l’installation de nouveaux cépages plus résistants à la sécheresse et à des températures élevées ainsi que la mise en place de pratiques culturales permettant de mieux préserver l’eau des sols, comme un plus grand espacement entre les rangs ou encore des aménagements anti-érosion (INRAE, 2024). Les experts du milieu considèrent que les filières viticoles et vinicoles doivent participer à l’atténuation du changement climatique en réduisant ses émissions de gaz et en capturant le carbone émis par la production (INRAE, 2021). Les vignerons et vigneronnes se doivent également d’adapter la vinification à la maturation accélérée du raisin en réduisant la teneur en alcool et en ajustant l’acidité pour offrir un vin de qualité (INRAE, 2021). 


À plus long terme, les chercheurs n'écartent pas la possibilité de devoir développer de nouvelles régions viticoles dans un futur proche. En effet, le réchauffement planétaire pourrait bénéficier à certaines régions, habituellement considérées comme trop froides pour la culture de la vigne, telles que la Colombie-Britannique au Canada, le nord de la France, l’Oregon aux États-Unis et même la Belgique, les Pays-Bas et le Danemark (INRAE, 2024). Le projet Laccave mise sur une démarche participative à l’échelle locale et nationale : « L’enjeu climatique appelle à renforcer la production et le partage de connaissances et de données, en intégrant des domaines variés, une vision systémique et des démarches participatives ouvertes aux acteurs des territoires et aux consommateurs » (INRAE, 2021). L’idée derrière ce projet est, non seulement, de comprendre les changements qui s'opèrent, mais également de co-construire, avec les agriculteurs, les municipalités et les décideurs, des solutions adaptées à chaque région et chaque milieu de production afin d’assurer la prospérité des vignobles actuels et le bien-être de l’environnement. 

Jaymie Vézina


Bibliographie :